Depuis quelques années, l’auto-édition dans le domaine de l’écrit a le vent dans les voiles. Que ce soit via des plateformes comme celle que propose Amazon, In Libro Veritas, Atramenta ou encore Lulu, il n’y a jamais eu autant de publications écrites.
Évidemment, comme partout, quand l’auto-édition arrive, il faut savoir trier le bon grain de l’ivraie. Cela m’a permis de découvrir principalement – honneurs aux dames – des auteur(e)s comme : Isabelle Rozenn-Mari, Christelle Morizé, Anna Khazan. Pour ces messieurs ? Jérome Dumont, Wendall Utroi, Xavier Delgado, Philippe Saimbert ou encore Didier Acker.
Il faut cependant ne pas oublier que l’auto-édition est du pain béni pour les maisons d’édition classique. Cela leur permet de faire leur marché, de voir les auteur(e)s qui arrivent à bien vendre.
On peut prendre ici l’exemple d’Alice Quinn qui est désormais signée par une major de l’édition papier et qui profite ainsi de la puissance de feu médiatique qui en découle, et les « facilités » en terme de correction, de mise en page, de relecture. Tout ce qu’un(e) auteur(e) auto-édité doit faire par soi-même.
Dans un billet coup de gueule récent, Agnès de Destination Passions disait ce qu’elle pensait des auteur(e)s incapables de sortir du « mode promotion » de leurs oeuvres, oubliant le reste du monde. Je cite un passage du billet en question qui est parlant selon moi :
Je profite donc de cet article pour pousser un gros coup de gueule contre certains auteurs qui ne savent rien faire d’autre que se regarder le nombril et gonfler un peu le torse au moindre propos positif les concernant. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce genre d’auteur est plus fréquent qu’on le croit et quand vous regardez dans l’autoédition, c’est une invasion.
[…]
Qu’espèrent-ils tous ces nombrilistes de la capsule ? Que toute personne avec laquelle ils rentrent en contact se mettra à genoux devant eux et se précipitera sur leur prose ? Moi j’en ai rien à foutre de leur prose ficelée de façon intestinale et qui ne vous vaudra qu’une bonne visite chez le toubib. Pourquoi s’acharner si certains en ont rien à faire de ce que vous pensez de leur crotte ? Es-ce utile de dépenser de l’énergie à faire de nombreux emails aux uns et aux autres pour les informer de telle ou telle chose avec au passage quelques petits conseils d’”amis” ? Ils ne semblent avoir rien compris et un seul conseil s’impose pour eux : retourner à la case départ et tout réapprendre à l’exception des cas désespérés…
C’est une attaque violente et pourtant très réaliste du petit monde de l’auto-édition. Quoique la version musicale de l’auto-édition n’est pas meilleure. Je dois dire que j’adore Bandcamp, et que c’est devenu ma source principale d’approvisionnement en terme de musique. Mais pour un album que je présente sur le blog, j’aurais dû écouter dix sombres bouses pour trouver une pépite.
Le monde de l’auto-édition est celui de l’abondance sans limite, et pour une personne qui sera signée – et qui pourra toucher une avance plus ou moins confortable en croisant les doigts pour faire suffisamment de ventes pour toucher quelques pourcents du prix de vente hors taxes en droits d’auteurs par la suite – combien de déçu(e)s ?
C’est un monde darwinien. Et c’est aussi bien comme cela. Comme vous le savez (ou pas ?), je me suis auto-édité chez Atramenta. J’ai dépensé environ 260€ pour publier les trois tomes au format papier et électronique. Le tout, sur une année. Pour le moment, même si mes oeuvres ont les qualités et les défauts de l’autoédition, j’ai déjà récolté un peu plus d’une centaine d’euros en droits d’auteurs. Autant dire, que ce n’est pas si mal, avec 53 ventes papiers et électronique cumulées.
Il ne faut pas rêver, on ne devient pas riche via l’auto-édition. On se fait plaisir, on essaye de se faire connaître, et parfois un éditeur vous contacte pour une commande précise, comme ce fut mon cas avec Larousse et le livre « Complètement Geeks ».
Bien entendu, je voudrais bien profiter de la puissance de feu d’une maison comme Larousse, avec tous les avantages au niveau technique. Évidemment, je pourrais toucher des avances et pouvoir me consacrer à l’écriture sans devoir rendre de compte à qui que ce soit.
Mais promenez-vous dans les rayons culturels d’un hypermarché, et vous verrez à quel point gagner sa vie avec sa prose est un doux rêve… Alors, si vous voulez passer par l’auto-édition, restez humble, ne tombez pas dans l’auto-promotion en 24/7. Car vous ne récolterez alors que ce que vous méritez : du mépris et du rejet car vous serez insupportable.
Pour moi, le monde de l’auto-édition est autant une opportunité qu’un piège. Opportunité pour se faire connaître et un piège car la sélection est effroyable.
Il faut être honnête: si l’auto-promotion 24/7 est une mauvaise idée, il faut de la promotion pour faire venir des lecteurs potentiels et, quand on est auto-éditeur, on n’a pas grand-monde autre que soi-même pour en faire.
Cela dit, non, l’auto-édition a peu de chance de faire la fortune de son auteur, mais il y a moyen de se faire un peu d’argent d’appoint.
Je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas faire de promotion. Il faut juste savoir raison garder, et ne pas rester bloqué sur cela. J’ai parlé des auteur(e)s incapables de sortir du « mode promotion » de leurs oeuvres. Nuance de taille, non ? 🙂
Sinon, sur ta conclusion, tu prèches un convaincu !
Je suis tout à fait d’accord avec Frederic. Je vais même aller plus loin. Il doit y avoir une centaine d’auteurs qui vivent – mal – de leur plume. J’ai entendu parler d’un Prix Nobel de Littérature qui vivait dans une cité…
Si vous le faites, ne le faites pas pour de l’argent.
Un nobelisé touche en gros 900.000 euros, s’il continue à vivre dans « une cité » comme vous dites, c’est sans doute un choix et pas un problème de moyens.
C’est presque 900 000 euros actuellement. Et tout dépend ensuite de l’imposition sur la somme en question, et de la date de décrochage du Nobel en question.
Oui, ça a été moins (un peu) et plus (un peu aussi)
Et le fisc français ne taxe pas des gains de prix internationaux prestigieux comme un Nobel…
Il reste donc la somme donnée en net
Ah, je ne savais pas. Vous avez raison sur ce point. Mes plus humbles excuses. Mais je continue à penser qu’il ne faut pas le faire pour l’argent.
Y’a pas à dire, la promo est indispensable mais il est tout aussi indispensable d’y trouver un juste milieu car tourner en mode 24/7 c’est un plantage assuré ! Trop d’auteurs négligent les phases de réflexion afin de mettre en place l’organisation de leur parcours littéraire et tout ce que cela comporte. Les cas désespérés quant à eux qui ont choisi consciemment de fonctionner comme ça ne feront pas parti de l’avenir littéraire et c’est tant mieux ! Et pourtant de nombreuses opportunités de conseils et contact auprès d’auteurs, de lecteurs ou de blogueurs pourraient leur apporter l’essentiel pour ne pas se viander dès le départ.
Bonjour Fred,
article intéressant, c’est vrai qu’il ne faut pas trop rêver, mais en même temps, tout commence par des rêves.
Par contre, comme tu le dis, le rêve peut se situer ailleurs que dans le fait de gagner de l’argent.
Ce qui est intéressant dans ton article c’est ton propre ressenti, je trouve qu’il faut partager ses expériences, ça peut permettre à d’autres, d’avancer un peu moins en aveugle et de bénéficier des essuyages de plâtres des premiers, ou alors encourager les nouveaux venus.
Mais je me sens obligée d’intervenir pour rectifier quelques contre-vérités qui me concernent. C’est vrai que c’eût été plus simple que tu me demandes où j’en suis, mais c’est pas grave dans la mesure où je peux toujours mettre mon grain de sel dans les commentaires.
Je te cite dans le passage qui parle de moi: « On peut prendre ici l’exemple d’Alice Quinn qui est désormais signée par une major de l’édition papier et qui profite ainsi de la puissance de feu médiatique qui en découle, et les « facilités » en terme de correction, de mise en page, de relecture. Tout ce qu’un(e) auteur(e) auto-édité doit faire par soi-même. »
« la puissance de feu médiatique qui en découle », tu m’as fait sourire, j’aurais bien aimé! Mais je viens ici expliquer.
Je reprends donc un peu l’historique de mon parcours.
J’écris depuis un peu plus de 15 ans, éditée par des éditeurs « traditionnels », parfois même par ceux que tu nommes les « majors ».
Je peux te dire que la « puissance de feu médiatique » est absente de mon expérience. Elle se limite à des envois de ton livre à des journalistes littéraires qui en reçoivent des quantités et qui s’empressent (les mauvaises langues le disent) de revendre les romans sur ebay ou sur amazon dès le lendemain;-)
Suite à une mésaventure particulière (l’écriture d’une saga qui a été abandonnée en cours de route par la maison d’édition -major, qui laissait tomber tout son secteur jeunesse, -quelques auteurs se reconnaitront ;-)), j’ai vécu là en quelque sorte la goutte d’eau qui a fait déborder mon vase, et je me suis tournée vers l’auto-édition numérique afin de pouvoir respirer un peu, et donner le jour à mes romans refusés parfois, et aux autres romans dont l’exploitation s’était arrêtée pour des raisons de marché, (c’est un autre débat mais on pourrait en parler aussi).
Donc pour résumer la situation, en plus 15 ans, je n’ai jamais pu vivre de mes écrits. J’ai plusieurs métiers « alimentaires ». Cependant je ne pouvais pas m’empêcher d’écrire. Une addiction. J’aime raconter des histoires.
Bref lorsque j’ai sorti « Un palace en enfer », j’avais tout retravaillé et j’ai changé de nom. Et le travail de l’auto-édité qui fait tout, ne t’inquiète pas, j’y ai bien eu droit. De A à Z. Mais aussi, il faut bien le dire, avec le plaisir qui l’accompagne. Quelle liberté après ce que j’avais vécu! Quel sentiment d’autonomie! Quelle jubilation! Quel bonheur cette impression de maîtriser enfin mon destin d’auteur!
Mon but n’était en effet pas de gagner de l’argent mais bien de ne pas laisser dans mes tiroirs des textes écrits avec amour. De leur redonner la possibilité de rencontrer des lecteurs. Et de m’amuser le plus possible. La vie est courte. Je veux m’amuser.
Le baptême de feu est aussi passé par les commentaires qui soulignaient les fautes oubliées malgré mes relectures, les coquilles, les erreurs typographiques ainsi que par les changements de couverture, les recherches de titres.
Certains forums pourraient t’en parler.
Mon attente était de parvenir à vendre une dizaine d’exemplaires par mois. C’est ce que j’atteins avec mes autres romans.
Ce dont j’ai bénéficié à ce moment là, et qui n’arrive pas à tout le monde, c’est de bol.
J’ai eu de la chance. Chance de tomber au bon moment pour ce genre de livre (il n’y avait à l’époque quasi aucune comédie dans le top 100 du kindle), chance de rencontrer des lecteurs, chance que ma nouvelle couverture plaise.
Cette chance s’est transformée en chiffres, la sentence est tombée: j’étais numéro 1 des ventes numériques tout genre confondu pour 2013 en France.
Et pour en revenir au sujet initial de ton billet: l’argent, c’est la première fois que j’ai vécu de ma plume pendant toute une année, malgré les tarifs bas que j’ai pratiqués!
C’est là que Michel Lafon s’est intéressé à moi. Michel Lafon est précurseur par rapport aux autres éditeurs, puisqu’en ce moment il fait des expériences avec les auteurs qui cartonnent sur Kindle.
Comme tu le constates dans le parcours, c’est pourquoi j’ai tenu à le re-détailler, le gros du travail était fait. J’ai eu droit à des relectures, mais bon, les commentateurs d’amazon comme tu le sais sont de bons re-lecteurs qui ne laissent rien passer!
Du point de vue de « la puissance de feu médiatique « , je l’attends toujours. Tu peux chercher dans la presse, (hors du monde fermé de la blogosphère) pour l’instant Alice Quinn n’existe toujours pas. Un entrefilet par-ci par là. Rare. Très rare. Cependant je n’ai pas dit mon dernier mot :-). Je blague!!!
Si j’ai tenu à témoigner en réponse à ton excellent billet, c’est pour éviter que des fausses vérités ne circulent à la fois sur moi mais aussi sur ce qu’il arrive lorsque l’on est « édité » en France.
De la même manière qu’il ne faut pas rêver quand on s’auto-édite, il ne faut pas rêver non plus lorsqu’on est édité par un éditeur!
Je te conseille pour avoir sur la question un son de cloche très pertinent de chercher du côté de Laurent Bettoni.
Il parle très bien de tout ce que j’évoque rapidement ici.
Ce qu’il m’arrive avec la traduction en anglais est quelque chose de nouveau aussi (je suis la trace des Vandroux), et je pourrai témoigner avec plaisir de cette expérience dans quelques mois, quand je pourrai en faire un bilan.
Quoiqu’il en soit je suis intéressée par tout débat sur la question si ce que j’ai traversé peut aider.
Il y a une chose dont je suis sûre après tout ce que j’ai traversé: il ne faut pas laisser l’amertume gagner.
Haut les coeurs!
Pardon pour les fautes, je ne relis pas.
Bonjour.
Et avant tout, merci d’avoir posté un commentaire sur mon humble blog.
J’ai pris ton cas car c’est celui qui m’est venu naturellement à l’esprit.
Merci pour les détails, et comme tu le précises, nous avons chacun notre expérience. Avec Larousse, j’ai envoyé mon brouillon suffisamment avancé sur le plan du contenu pour ressembler à 90% au texte final.
J’ai été en contact avec le service de relecture qui m’a aidé à éclaircir certains points. Pour la mise en page, c’est le service dédié de Larousse qui s’en est occupé, car l’ouvrage que j’ai publié avec Larousse contient une photo par page.
Évidemment, cela dépend des éditeurs mais Larousse, qui m’avait contacté pour rédiger le livre édité chez eux, m’a vraiment aidé. Ils m’ont pris en main, et j’ai apprécié cela. Pour la typographie, j’utilise le greffon « grammalecte » pour LibreOffice qui s’en occupe.
Tu auras toujours une plus grande facilité d’accéder aux médias classiques d’où l’expression « puissance de feu médiatique » que j’ai utilisé.
Excellent billet ? Je n’ai fait que partager mon expérience et celle que j’ai pu partagé avec des collègues auto-édité.
Voire qu’une auteure signée par une grande boite m’a écrit, cela m’a fait chaud au coeur.
Bonsoir Fred,
je comprends ce que tu veux dire avec: « Tu auras toujours une plus grande facilité d’accéder aux médias classiques ».
C’est évident que quand on est auto-édité en numérique, on est carrément hors circuit de la presse.
Quel que soit d’ailleurs le nombre de ventes. Je m’en suis bien rendue compte.
Ce qui n’empêche que le terme « facilité » n’est pas vraiment le bon.
« Au royaume des aveugles, les borgnes… »
Mais tout va encore tellement évoluer, même si la France est à la traîne.
Avant d’être « une auteure signée par une grande boite », je suis surtout une auteure qui expérimente dans une période riche en mouvements et pleine de promesses pour les auteurs. Je suis très heureuse de vivre ce moment.
Il est souvent difficile de trouver les termes qui collent le mieux à ce qu’on désire exprimer. « Facilité » n’est pas le bon, alors on pourrait dire « outils d’aide à la création ». Je sais c’est long, mais les services de relecture, typographie et de mise en page y ressemble.
Sinon je te rejoins sur ta conclusion. C’est une période riche, et c’est aux auteur(e)s actuel(le)s de l’enrichir encore plus. Quite à révolutionner le monde parfois poussérieux et « plan plan » de l’édition classique 🙂
Pour « plan plan », j’ai pas trouvé mieux, désolé !
Joli billet en effet qui pointe sur un des problèmes cruciaux de l’autoédition. Rien n’est jamais tout noir ni tout blanc, même si je rejoins ton avis et celui partagé d’Alice : il faut raison garder et les deux pieds posés bien au sol. Bien entendu comme tout à chacun, le rêve est permis et il fait avancer, mais je retiens surtout une chose.
L’autoédition avec tous les défauts qu’elle comprend permet d’être lu, même si c’est un petit nombre de lecteurs, n’est ce pas pour cela que nous écrivons ?
Fred, j’ai eu la chance, le bonheur de rencontrer Alice et d’autres, elle fait partie de ce mouvement précurseur qui annonce des changements, je les espère heureux. L’avenir nous le dira, mais une chose est certaine ce seront les acteurs et les facteurs humains qui feront avancer les choses.
Wendall
C’est son but primaire après tout. C’est la version moderne des publications à compte d’auteur. Le monde de l’édition classique est encore en 1994-1995, si on peut prendre cette image. L’auto-édition via le réseau des réseaux va la transformer de fond en comble.
Jaloux je suis pour ta renconte.
Enfin, il faut rester optimiste – quel effort pour moi – et se dire qu’une nouvelle révolution de Guntenberg est en marche. Reste à savoir qui en tirera tous les profits à terme.
@Alice Quinn
Si un roman cartonne en kindle, quel est l’intérêt de signer ensuite chez une maison d’édition ?
Amazon te verse un pourcentage beaucoup plus grand qu’une maison d’édition.
De plus, dans le cas particulier d’auteurs qui ont déjà fait tout le travail pour arriver au top, pourquoi vouloir perdre de l’argent en signant chez une maison d’édition ?
D’après ce que tu dis, la valeur ajoutée d’une maison d’édition est très très faible mais en revanche ils prennent pas mal d’argent.
C’est pas une histoire de « prestige » ?
Etre chez Flamarion mais rien vendre c’est mieux pour l’égo que gagner des milliers en auto edition ?
Modulo la dureté des termes employés, un brin excessif, j’attends une réponse d’Alice.
Mais si elle préfère conserver le silence, je pourrais aussi le comprendre.