2014, année des guerres de religion dans le monde du logiciel libre ?

Depuis le début l’année, la communauté du logiciel libre dans son ensemble est traversée par des guerres de religions qui font passer la guerre d’éditeurs (vi contre emacs) pour de simple blagues d’école primaires.

Outre celle concernant la guerre des inits (abordé dans un article récent), ou encore le duel wayland contre mir, comment oublier l’affaire de l’EME dans Mozilla Firefox  qui a fait couler tant d’encre électronique ? Par exemple, cet article de PC World sur le sujet.

Petite parenthèse au passage : le premier qui me cassera les gonades avec mon présumé choix pour tel ou tel système d’init sera banni pendant un mois des commentaires.

J’utilise ce qui fonctionne, trop dur à comprendre ?

Si un jour, j’installe une distribution en dur qui n’a pas systemd, je n’en ferais pas une jaunisse. Simplement, voir autant d’énergie gaspillée dans cette connerie de guerre, ça me fout en rogne !

Maintenant, la parenthèse est fermée. Revenons-en à une autre guerre de religions du logiciel libre de l’année 2014.

EME ? Encrypted Media Extensions, en gros le DRM version pour les sites internet. Technologie qui est toujours à l’état de brouillon au moment où je rédige cet article (le 29 novembre 2014), cette technologie pour « protéger les bénéfices des ayants tous les droits des méchants pirates » est en cours d’insertion dans les navigateurs contemporains, que ce soit pour Internet Explorer, Mozilla Firefox ou encore Chromium (coeur de Google Chrome et d’Opera).

Cette saloperie technique est encore loin d’être disponible. Si on suit le bug qui permet de voir le niveau d’implantation de l’EME dans Mozilla Firefox, on est loin du compte… Au 29 novembre 2014, il y a une bonne quarantaine de bugs ouverts qui bloque la fermeture du bug de suivi !

Certains théoriciens enfermés dans leur tour d’ivoire vont crier au fork… Ce qui sera inutile, grace au bug 1038031.

En effet, ce bug dont le code a été rajouté fin juillet 2014 ajoute une option plus que parlante : --disable-eme.

La preuve en image ? J’ai récupéré le code source de Mozilla Firefox 33.1.1 (version stable au 29 novembre 2014), je l’ai décompacté, et j’ai entré la commande suivante : ./configure --help | grep eme

J’ai mis en gras la ligne concerné par les Encrypted Media Extensions :

–enable-gnomeui Enable libgnomeui instead of GIO & GTK for icon theme support
–disable-eme Disable support for Encrypted Media Extensions
–disable-webgl Disable building of the WebGL implementation
–enable-safe-browsing Enable safe browsing (anti-phishing) implementation
–enable-faststripe Use faststripe theme
–enable-replace-malloc Enable ability to dynamically replace the malloc implementation
–disable-gcincremental Disable incremental GC

Initier un fork alors qu’il suffit de changer une option, quelle bonne idée ! Ou pas !

Je sens qu’on va dire que je trahis encore l’essence du logiciel libre, que le fork est une composante indispensable.

Pour la énième fois, je suis d’accord avec le principe du fork. Mais faire un fork pour un oui ou pour un non, quel intérêt ?

Pour respecter les directives de grands théoriciens enfermés dans leur tour d’ivoire ? Loin de toute réalité, et surtout loin d’une chose ennuyeuse et braillarde, tel le résidu malencontreux d’un accident de capote, à savoir l’utilisateur final ? Et au passage décrédibiliser le logiciel libre dans son entièreté ?

Revenons une dernière fois sur la guerre des inits, qui sera encore un sujet brulant l’année prochaine. Promis, juré, je n’y reviendrais plus par la suite.

Outre le fait qu’il y a plusieurs systèmes d’init pour remplacer le vieillissant sysVinit né dans les années 1980 en même temps qu’Unix System V sur les distributions GNU/Linux (systemd, openRC, runit, initng ou encore upstart qui sera supporté jusqu’à la fin de vie de la ubuntu 14.04 LTS soit en 2019, sans oublier le projet GNU dmd), il y a aussi des projets pour une nouvelle génération d’init pour… FreeBSD !

Dixit l’article de Phoronix sur le sujet. Cela promet un sacré guerre de tranchée, non ? Je vous conseille la vidéo de l’article aux alentours de 30 minutes… Une pique plus qu’acide et pas complètement fausse.

Pour terminer, j’avais écrit dans un article du mois de juin 2014, ceci (modulo le fait que je suis affranchi de Flash désormais) :

[…]
Quand je suis arrivé dans le monde du libre, en 1997, en installant ma première distribution sur un Cyrix 486DX2 66Mhz, c’était pour satisfaire ma curiosité de technophile. Oui, j’ai employé volontairement.

Car nous sommes en train de passer d’un cercle d’utilisateurs technophiles quand la Free Software Foundation est née en 1984, à un cercle plus large, celui des utilisateurs qui emploient du libre non pas pour sa philosophie mais pour sa qualité.

Cependant, il ne faut pas être tel un député de la majorité de la Chambre Introuvable de 1815. Comme l’a souligné Philippe Scoffoni dans un billet récent, un utilisateur qui emploie une distribution GNU/Linux, c’est déjà une victoire. S’il utilise des logiciels non-libre pour faire fonctionner son matériel, où est le mal ?

Sur ma machine, les seuls logiciels non libres ? Adobe Flash, Gnash n’étant pas encore suffisamment puissant pour remplacer le greffon officiel, google music manager (pour avoir une copie supplémentaire de ma musique au format numérique), le pilote de mon imprimante (qui ne semble pas être 100% libre au niveau de la licence employée), et le noyau linux dans sa version officielle. Ce qui n’est pas grand chose.[…]

Si je devais réécrire ce texte, je n’en changerais pas un seul mot. Cela sera la conclusion de cet article.

5 réflexions sur « 2014, année des guerres de religion dans le monde du logiciel libre ? »

  1. Mouais ,c’est vraiment débile ces petites guerres .Toutes mes machines (persos et familiales) et distributions (sauf slackware ,mais c’est normal) fonctionnent avec systemd comme init, et alors????
    C’est celui qui fonctionne le mieux et le temps de démarrage est grandement raccourci , on peut même le faire parler au démarrage (si c’est cela qui manque à ceux qui ne sont pas content).
    Wayland plutôt que MIR .Pourquoi?
    Parce que l’utilisateur de Logiciels Libres est LIBRE de tester ,d’utiliser ce qu’il veut, ce qui lui convient, sans juger les choix des autres utilisateurs et sans qu’on vienne lui casser les burnes pour « ses » choix.

    1. Mais tu n’as pas encore compris ? l’utilisateur, c’est la dernière roue du carosse. Seul compte les développeurs, voyons 😀

      Du moins, dans l’optique des grands théoriciens enfermés dans leur tour d’ivoire…

      1. 😀
        Oui,je sais bien.Donc , aux utilisateurs de faire passer des logiciels dans la lumière(plébiscite) ou dans les poubelles (non-utilisation )de l’histoire linuxienne 😀

  2. Malheureusement sur notre bonne vieille planète bleue, les guerres de religions se suivent et se ressemblent, mais que cela ne nous empêchera pas de taper cette petite commande:
    ./configure –help | grep eme
    J’espère que mon commentaire « ne te cassera pas les gonades » et que je pourrais à l’occasion de te laisser un petit message 😀
    A pluche.

  3. Je suis assez circonspect sur cette histoire de fork, encore plus quand on parle pour l’instant d’un paquet de post-install. Bonjour le fork…

    Concernant le bazar avec les serveurs d’affichages, la solution viendra probablement, malheureusement, des pilotes propriétaires : pour l’instant, seul X.Org est supporté par Nvidia et AMD, encore que chez AMD, c’est de moins en moins utile, au vu des nombreux progrès récents du pilote libre.

    Si la majorité des distributions décident de se concentrer sur Wayland, alors les constructeurs ainsi que les développeurs de bibliothèques tierces s’y mettront définitivement aussi. Ubuntu sera alors bien seul avec Mir.

    J’aime le choix, mais pour que les distributions se répandent (et je n’aborde même pas les autres classes de matériel, plateformes ARM en tête), il faut un peu plus de cohérence pour s’assurer plus de soutiens. Avec une adoption grandissante de systemd par plusieurs distributions, j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi, sachant qu’au final ça marche, il y a un tel foin autour. Si encore ça cassait tout…

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