La culture écrite par les personnes qui la produisent : Jérôme Dumont.

Après avoir interviewé Isabelle Rozenn-Mari, j’ai voulu questionner un autre auteur qui passe par l’auto-édition, Jérôme Dumont. Auteur qui m’a réconcilié avec les romans policiers, avec son truculent « Trois balles dans le buffet » dont j’ai parlé dans un article précédent.

1) Peux-tu te présenter rapidement ?

Pour ne pas faire un copier/coller de ma bio sur les différentes plateformes, disons que si je devais me qualifier en deux mots, je choisirais multi-culturel et déraciné. L’un étant intimement lié à l’autre.

Qu’il s’agisse d’éducation, de milieu professionnel, de culture, de religion, de pays, je n’arrive pas à me définir simplement. Curieux et touche-à-tout aussi, mais ça vient avec le reste !

Grand fan de pop-culture, de cinéma (avec une préférence pour les blockbusters), de séries TV (de Game of thrones à Glee, je ratisse large). Niveau lectures, du polar bien sûr (mention spéciale à Andrea Camilleri et ses Montalbano), mais j’avale avec un plaisir égal les romans d’Alexander Kent et surtout de Patrick O’Brian.

De plus en plus d’auto-édités également. J’apprécie particulièrement l’authenticité qui se dégage de la plupart d’entre eux et il y a de véritables pépites. Je ne citerai personne pour n’en froisser aucun(e), mais globalement, ceux qui savent m’accrocher au détour d’un fil twitter ou d’une discussion sont rarement décevants.

2) Comment en es-tu arrivé à écrire ?

Presque par hasard… !

J’ai toujours aimé communiquer par écrit, à l’époque où les lettres étaient encore à la mode. Je suis du genre à envoyer des emails longs comme un jour sans pain.

Professionnellement, j’ai également été amené à beaucoup rédiger. Même s’il s’agissait de textes juridiques avec leurs propres codes, lexique, l’articulation était évidemment capitale. Ça m’a sans doute aidé à dérouler des intrigues et surtout à les conclure.

Cependant, en ce qui concerne les romans, c’est plus récent. L’idée de Rossetti & MacLane je l’ai eue dans la tête pendant une bonne année avant que d’en écrire le moindre mot. Seules les caractéristiques de deux personnages principaux étaient posées. Je voulais créer un tandem improbable autour duquel graviteraient une nuée de personnages secondaires, raconter des histoires pas forcément longues, mais prenantes. Je suis convaincu que le meilleur compliment qu’on puisse faire à un auteur c’est : « je ne suis pas arrivé à lâcher votre livre avant la fin ».

Jusqu’à un beau matin où, englué dans les méandres de XCode et découragé, l’idée de Jeux dangereux a commencé à germer et tout s’est ensuite très vite enchaîné ! Les mots se sont mis à couler, un flot ininterrompu. C’était parti !

3) Pourquoi avoir choisi l’auto-édition ? Combien d’œuvres as-tu auto-édité ?

Ma première expérience d’auto-édition remonte à 2011. Un livre-témoignage, rien à voir avec des romans.

À la base, l’objectif premier était de me permettre d’arrêter de répéter la même histoire à toutes les personnes qui m’interrogeaient et au passage, cela m’a offert l’opportunité de décortiquer le processus d’auto-édition, à une époque où c’était bien plus compliqué qu’aujourd’hui.

Je n’avais aucune ambition de fournir ce témoignage à un éditeur, donc l’auto-édition a été une occasion parfaite de rendre ce texte disponible.

Passé ce galop d’essai, il faudra attendre septembre 2013 pour que je m’attaque à l’auto-publication de romans.

Choix naturel compte tenu de mon petit côté geek et surtout perspective de liberté totale. Avec ses avantages et ses inconvénients.

La série Rossetti & MacLane en est actuellement à son cinquième opus. Présents sur Amazon, Apple, Kobo et Google livres.

Chiffre qui correspond à une somme de travail non négligeable lorsqu’il s’agit de coordonner le tout, de modifier une version (ne serait-ce que l’ajout d’hyperliens dans la rubrique remerciements).

Cependant le jeu en vaut largement la chandelle. J’ai la chance que les lecteurs qui aiment les personnages et l’un des romans apprécient en général la série au complet puisque les chiffres de vente des volumes 2, 3, 4 et 5 sont à peu près identiques.

Par ailleurs, l’auto-édition est une opportunité formidable de tisser des liens. Avec d’autres auteurs auto-édités puisqu’on partage les mêmes questionnements, mais également – surtout – avec les lecteurs. Le contact est quasi-direct et ne connaît pas de frontières. C’est quelque chose que j’affectionne particulièrement.

4) Avec le recul, l’auto-édition, bon plan ou galère ?

Bon plan ! Mais pas forcément pour tout le monde.

Disons que sans aucune connaissance technique, ça risque d’être difficile de parvenir à surmonter les épreuves techniques que sont la mise en page, la couverture, les différents formatages et les processus de mise en ligne (même si ces derniers ont tendance à devenir de plus en plus faciles d’accès).

C’est un marché en plein essor dans lequel il y a énormément de choses à faire. Il y a de belles initiatives, à destination des auteurs, que ce soit le mag des indés de Chris Simon ou le service Kouvertures récemment lancé par David Forrest ou encore la plateforme des auteurs auto-édités de Bruno Challard.

Il faut également être disposé à investir du temps dans la promotion de ses ouvrages. C’est un domaine passionnant dans lequel tout est également à faire. Promouvoir ses ouvrages ne se limite pas à répéter tel un disque rayé « achetez mes livres ». Il faut être imaginatif, intéresser les lecteurs potentiels, offrir du contenu aux lecteurs existants.

Et tâcher d’avoir une plateforme la plus professionnelle possible : un « vrai » site web, choisir les réseaux sociaux sur lesquels on souhaite être présent et se dire que Rome ne s’est pas faite en un jour. Patience et persévérance. En restant soi-même.

L’auto-édition en France me semble avoir encore devant elle un ou deux ans de galère, mais je suis persuadé que ce n’est qu’une question de temps, même si les proportions ne seront jamais les mêmes qu’aux USA ou en Angleterre.

La professionnalisation est en marche pour beaucoup d’auteurs auto-édités mais il demeure un obstacle de taille : la visibilité. C’est là-dessus qu’il faut travailler pour permettre aux lecteurs de découvrir des œuvres originales, sortant des sentiers battus. Des œuvres plus risquées aussi, sur lesquelles les éditeurs traditionnels décident de ne pas parier, compte tenu des investissements nécessaires à l’édition traditionnelle. Ça tombe bien, puisque le numérique réduit drastiquement les coûts !

5) Peux-tu nous parler de tes projets « scripturaux » si ce n’est pas trop indiscret ?

Étant donné que j’ai commencé une série, je ne dévoilerai pas un grand scoop en parlant d’un prochain épisode de Rossetti & MacLane. Comme à la fin de chaque rédaction (touchons du bois pour que cela continue !), l’idée générale du prochain épisode me vient… Cette fois-ci, il sera question d’une machination, forcément machiavélique !

Après la sortie d’un froid de loup, et compte tenu d’obligations professionnelles prenantes, j’ai pris un peu de temps pour remettre les compteurs à zéro. La rédaction du sixième commence néanmoins à s’imposer de plus en plus : quand tu te réveilles le matin en te disant : « ça, je veux le mettre dans le 6e ! » ou que tu vois dans des situations inattendues de la vie quotidienne des scènes, le clavier n’est plus très loin ! Et j’en suis rendu là !

Je prends un très grand plaisir à faire évoluer les personnages, développer leurs relations, interconnexions, aller en profondeur comme on a rarement la possibilité de le faire en un seul ouvrage.

Je compare ce processus aux séries télévisées, dont le format offre cette possibilité. Les séries « nouvelles générations » de Star Trek, qu’il s’agisse de Star Trek The Next Generation, Deep Space Nine ou Voyager mettent en lumière, au fil de plusieurs épisodes différentes facettes, différentes évolutions des personnages, que l’on prend plaisir à découvrir. Quel plaisir de découvrir un épisode de Star Trek TNG dans lequel Q invente de nouvelles facéties ! Ou de suivre un personnage tel que Dax dans ses divers hôtes, Jadzia (ma préférée) ou Ezri !

J’ai également dans mes tiroirs une commande spéciale sur laquelle je n’ai jamais assez de temps pour me pencher : un livre pour enfants, commande de ma fille !

Enfin, il y a une scène du tome 4 de Rossetti & MacLane qui a été pour moi un vrai défi à écrire et comme je dois être un peu maso, j’ai bien envie d’approfondir le sujet… !

Note de Frédéric : Je pense savoir de quelle scène il s’agit 🙂

6) Tu es plutôt livre papier ? Uniquement électronique ou les deux ?

Disons 90 % électronique. L’achat de ma première liseuse a été une révélation qui m’a fait lire beaucoup plus qu’auparavant. Transition d’autant plus facile que je ne suis pas attaché particulièrement au livre papier en tant qu’objet.

Outre le côté pratique de la liseuse en voyage, j’apprécie le fait d’avoir accès à un immense catalogue et par le jeu des gratuités, francophones et Anglo-saxonnes, ma PAL a pris des proportions gigantesques.

Enfin, la légèreté d’une liseuse offre à mes yeux un avantage indéniable par rapport aux livres papiers, sans parler de l’éclairage pour lire au lit !

7) Pour finir, ta citation préférée ? Que ce soit un(e) auteur(e), acteur, actrice, humoriste… Mais par pitié, pas Woody Allen, c’est trop facile !

« Un homme a son avenir devant lui, mais il l’aura dans le dos chaque fois qu’il fera demi-tour. » Pierre Dac (avec Francis Blanche) dans le fameux sketch du Sar Rabindranath Duval.

Loufoque et cocasse, mais terriblement vrai.

Merci d’avoir répondu à ces quelques questions.

2 réflexions sur « La culture écrite par les personnes qui la produisent : Jérôme Dumont. »

  1. Jérôme, il est intéressant de partager de tels propos qui sont très positifs pour le numérique. Quand aux lecteurs plus occasionnels, ça permet de découvrir l’auteur et sa célèbre série Rossetti & MacLane qui ont le sait est un régal.
    Des manières de travailler et penser qui ne peuvent qu’être utiles et de bons conseils pour tout auteur qui souhaite se lancer.
    Fred, sympathique surprise que ton article 😉

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