Ou comment rendre encore plus illégitime les droits d’auteurs aux yeux de tout le monde.
Entendons-nous bien, je suis d’accord pour que les droits d’auteurs soient une réalité. Cependant, la folie des détenteurs de droits d’auteurs et d’ayants droits tourne à la dictature législative pure et simple.
Vous connaissez le Mickey Mouse Protection Act ? Voté sous la pression de la Walt Disney Company et porté par un « chanteur » des années 1960, Sonny Bono, de son vrai nom le « Copyright Term Extension Act » (ou loi d’extension de fin de copyright) a été essentiellement votée pour éviter que Mickey ne tombe dans le domaine public. Cela a permis de repousser d’environ une vingtaine d’années supplémentaires l’élévation dans le domaine public des premiers exploits de la souris la plus célèbre du monde de l’animation.
En effet, les premiers dessins animés de Mickey Mouse devaient s’élever dans le domaine public vers 2000, ils ne le sauront qu’en 2019. Mais il y a fort à parier qu’un lobby de détenteurs des droits dirigé en sous main par la Walt Disney Company n’obtienne un nouveau report pour l’élévation dans la domaine public.
Passons sur les pitoyables DADVSI (2006), transposition de l’EUCD (2001), transposition elle même de la DMCA (1998), sur le dangereux réseau Internet qui met à mal un système économique : celui de la rareté des produits culturels car matérialisés.
Qui est un modèle obsolète par définition avec la dématérialisation croissante des biens et produits culturels. Un peu comme les marchands de chandelles dont les produits sont rendus inutiles en plein jour. Cf l’essai de Frédéric Bastiat.
Surtout qu’entre 1998 et 2006, on est passé des connexions RTC à 33,6 Kbits/s (soit 4 Ko/s) à du 2 Mbits/s (soit 250 Ko/s environ ?). Soit 60 fois plus rapide en 8 ans.
Il est vrai que la multiplication par 60 de la vitesse moyenne de connexion à l’Internet n’a pas changé la face de son élément le plus visible, le Web.
Inutile de parler du bilan de la HADOPI, qui est d’un rapport qualité/prix plus que discutable : combien de condamnations déjà ? Et quel retour pour les artistes ? Néant ? Quel retour sur les sommes colossales engagées ? Néant ou presque aussi. Cet article d’Antlantico est assez clair. Et pour un site qui cache difficilement son penchant politique, écrire cet article a du faire mal à l’arrière train de certains journalistes.
Mais le pompon de la haine que peut inspirer l’application dictatoriale des droits d’auteurs est atteint avec l’affaire qui restera dans les mémoires comme « La photo des Restos du Coeur ». Quand en 1985, Michel Colucci lance les restos du coeur, le logo qui est maintenant célébrissime est surmontée d’une photo en noir et blanc de Coluche, faite par Gaston Becheret.
Le problème est que 30 ans plus tard, le même photographe attaque l’association des Restos du Coeur pour l’utilisation de la photo, sous prétexte de contrefaçon. La contrefaçon étant punie, dixit l’article 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, que je cite :
Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.
La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
On voudrait ruiner l’association caritative que sont les Restos du Coeur qu’on ne s’y prendrait pas autrement. La seule image est celle d’un vautour qui attend que sa proie passe l’arme à gauche pour la dépécer. Pas très ragoutant, au final.
Qu’on fasse respecter ses droits, d’accord. Mais au bout de 30 ans, ce n’est pas une volonté de se faire du pognon plus qu’autre chose ? On est en droit de se poser la question, non ? Sans porter de jugement, car je n’ai aucune formation juridique.
En tout cas, j’attends avec mon pop-corn que l’effet Streisand qui va s’abattre sur le photographe fasse son effet… Car si on veut détruire sa réputation sur l’Internet qui est devenue une part de notre vie actuelle, on ne s’y prendrait pas mieux.
Il se justifie, apparemment, en disant qu’ilveut lutter contre le marchandising (tshirt, image sur TF1, etc.) qui a dérivé de l’image car il n’avait, selon lui, cédé les droits que pour l’assoc. en elle-même.
Un paradoxe amusant : tous les artistes qui chantent pour les Restos défendent en général bec et ongles le droit d’auteur de ce genre 🙂
Va-t-on les entendre ? 🙂
Je réponds la même chose que pour l’histoire du free adgate et les blogueurs influents : une histoire de pognon, et rien d’autres. Ici, la neutralité du réseau est remplacé par les dérives d’utilisation de la photo.
En tout cas, c’est le genre de justification qui empeste « l’inventé après coup » pour justifier ce qui n’est rien d’autre qu’un racket pur et simple.
Il a expliqué sa démarche sur libé’ :
[argumentation lisible sur le site, inutile de la reproduire in-extenso ici]
http://next.liberation.fr/photographie/2013/07/03/restos-du-coeur-les-explications-du-photographe_915552
Il parle de l’exploitation de l’image sur des supports physique. Or, si on en croit l’historique des émissions télévisées, le premier enregistrement physique et diffusée de la photo en question peut remonter au minimum à 1989.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Enfoir%C3%A9s#Spectacles_et_.C3.A9missions
En 1989, « La tournée d’enfoirés » est tournée et est rendu disponible dès 1990 en VHS. Il y a juste 23 ans, soit 4 ans après la photo.
Pour les DVD ? 1998, et « Enfoirés en coeur ». Soit 13 ans après la photo.
Donc, le photographe aurait déjà pu taper du poing sur la table il y a près d’un quart de siècle.
Question subsidiaire : pourquoi ne pas avoir pousser une gueulante en 1989 ?