Je ne prétends pas avoir la culture de Roberto Di Cosmo, mais il me semble intéressant de faire le point sur cette oeuvre phare sur l’informatique personnelle et l’envie de Microsoft d’en faire son jardin. Le texte est récupérable sans aucun problème à cette adresse : http://www.pps.jussieu.fr/~dicosmo/HoldUp/
Je me contenterais de quelques remarques sur quelques points cruciaux évoqués par Roberto Di Cosmo, et de voir les différences 10 ans après. Il faut se souvenir quand le texte est sorti, MS-Windows 98 venait de sortir.
Pages 16 et 17 :
« […]D’où la référence au standard « Wintel » — contraction de Windows et Intel —,
qui détient aujourd’hui 90 % du marché de la micro-informatique. Mais le semi-conducteur est moins stratégique que le logiciel : il est bien plus facile de cloner une puce qu’un logiciel complexe. Et il est assez élémentaire de « porter », comme on dit dans le jargon informatique, un système d’exploitation d’une puce à l’autre, même si le producteur de la puce essaie de s’opposer à ces opérations par tous les moyens, licites ou pas.
D’ailleurs, AMD, Cyrix et IBM produisent depuis longtemps des puces qui font tourner Windows aussi bien que celles d’Intel, et pour bien moins cher.[…] »
Bien que Cyrix ait disparu racheté par VIA, c’est toujours aussi vrai, même si le pourcentage a du légèrement augmenter.
Page 19 :
« […]N’avez-vous pas déjà remarqué qu’en vous connectant sur le Net avec le logiciel de navigation de son concurrent Netscape, vous aviez du mal à lire certains sites dont le contenu est « optimisé » pour l’Internet Explorer de Microsoft ? Pourquoi ? Parce que Microsoft a su convaincre les éditeurs de contenu que son fureteur, Explorer, était devenu le standard, et qu’ils avaient donc intérêt à y adapter leur site Web.[…] »
A l’époque, nous étions au début de la première guerre des navigateurs. Et ce fut une des manoeuvres principales pour trancher la gorge à la concurrence dans le petit monde des navigateurs web.
Page 20 :
« […]Alors que Microsoft avait commencé par ignorer le réseau, il est devenu en 1995 son principal axe de développement. Outre sa bagarre pour le marché des navigateurs, Microsoft veut placer ses logiciels dans les serveurs Web et conçoit des outils de développement de contenu pour le Web. Son service en ligne Microsoft Network ou MSN, qui n’a jamais vraiment décollé, est en train d’être refondu en portal : un portail d’entrée sur le Net, msn.com, qui agrège de l’audience pour la monnayer auprès d’annonceurs et l’aiguiller vers des sites partenaires. »[…] »
Devenu les services Live par la suite. Mais c’est quand même assez étonnant de voir que Roberto Di Cosmo avait déjà vu juste en 1998…
Page 25 :
« […]Mais IBM n’a jamais pris cette affaire de PC au sérieux : le mammouth n’a pas pris la peine d’acheter MS-DOS, ni même de s’en assurer l’exclusivité. Résultat : Microsoft a ensuite pu vendre MS-DOS — puis son successeur Windows — à tous les concurrents de « Big Blue », comme on surnommait alors IBM. À l’époque, les constructeurs de machines dominaient l’industrie. Personne ne se doutait qu’avec la standardisation autour des produits Intel et Microsoft et l’apparition des cloneurs asiatiques, tous les profits — et le pouvoir — de la micro-informatique se concentreraient dans les puces et les systèmes d’exploitation. Vous connaissez la suite.[…] »
Et nous en voyons tous les jours les conséquences avec des MS-Windows aussi peu appréciés dans l’absolu que MS-Windows Vista… Tout cela pour le bien de l’utilisateur, même si la situation évolue un tout petit peu…
Page 27 :
« […]Mais Microsoft, au fil du temps, a acquis une remarquable aptitude à transformer des échecs techniques en succès commerciaux. Si ses nouveaux logiciels sont souvent catastrophiques, l’artillerie lourde du marketing arrive à les vendre quand même, en attendant que les versions suivantes corrigent peu à peu les bugs pour en faire des produits plus stables, éventuellement en rachetant ou en copiant les produits souvent meilleurs de ses concurrents. Microsoft a ainsi réussi la prouesse de faire considérer les défauts de ses logiciels comme normaux, et la correction de ses défauts comme des percées technologiques.
Mieux : c’est le consommateur qui paie le processus d’amélioration ![…] »
Tiens pourquoi un certain Service Pack 1 pour MS-Windows Vista me vient à l’esprit ?
Page 28 :
« […]Il suffit de regarder l’histoire des produits Microsoft pour se rendre compte que ce « risque » est bien réel. La première version du tableur Excel contenait de telles erreurs de conception que j’aurais mis un 0 pointé à l’un de mes étudiants s’il l’avait écrite. Or, Excel tient aujourd’hui en France plus de 87 % de ce marché. Le système d’exploitation Windows 3.0 avait au moins
dix ans de retard sur le Mac OS d’Apple ; ses successeurs Windows 95 et Windows 98 contrôlent aujourd’hui 90 % du marché mondial, contre moins de 4 % à Apple. Regardez également ce qui se passe sur les serveurs d’entreprise : le système d’exploitation WindowsNT de Microsoft a, en deux ans, déjà grignoté 36 % du marché des nouveaux serveurs (Unix continue cependant à dominer ce marché, en raison de sa base installée).
Même chose pour le fureteur Internet Explorer qui a, en moins de quatre ans, gobé 55 % du marché. Dans tous les cas, les produits Microsoft étaient, au départ, très nettement inférieurs à
ceux de la concurrence, et dans certains cas, ils le demeurent encore aujourd’hui.[…] »
En 2004, Internet Explorer avait quelque chose comme 90% des parts de marché. Et maintenant, c’est loin d’être le cas… 70 à 75% de nos jours tout cela à cause de Mozilla Firefox, d’Opera et de Safari… Cf les statistiques de Xiti ou de BrowserNews.